|
|||
Résumé : Il s'agit dans ces pages d'étudier l'image d'Alexandre le Grand dans plusieurs textes composés dans la péninsule Ibérique aux XIIe et XIIIe siècles, et d'analyser les relations que cette image royale entretint avec les monarchies contemporaines. On conclura que la figure d'Alexandre intéressa extraordinairement les auteurs hispaniques. Enfin, on propose aussi, comme le titre de cette contribution l'indique, quelques réflexions sur la date de composition du Libro de Alexandre. >Mots-clé : Alexandre le Grand, représentation monarchique, idéologie, culture, histoire.
|
|||
D ans ces pages1, que j'offre à Francis Cerdan en gage de sa générosité, je voudrais analyser à nouveau les modalités de la représentation de la figure royale dans les textes hispaniques des XIIe et XIIIe siècles, où elle prit souvent les traits d'Alexandre le Grand. Cette étude voudrait donc proposer une ébauche de réflexion sur l'utilisation du modèle alexandrin dans les domaines intellectuel et politique, ainsi que sur les formes d'écriture adoptées par les clercs lettrés péninsulaires. On verra, enfin, comment la représentation d'Alexandre le Grand fut associée dans ces textes à celle de certains monarques castillans et léonais.L'Alexandre castillan. Alexandre le Grand est signe, est " semblance ", sa place est à la mesure des ambitions de chacun. Il est tout homme2. Ces définitions, en apparence banales, confirment le succès extraordinaire, chez les clercs du Moyen Âge occidental3, d'une icône double, aux contours puissants, tantôt spirituels, tantôt profanes. Les auteurs d'une polyphonie de récits construits autour de son image tombèrent sous le pouvoir de fascination du conquérant grec, que les lettrés interprétèrent comme l'homo novus4, à mi-chemin entre le Christ et Satan. Cette ambiguïté, cette nature changeante du Grec fut exploitée par les auteurs hispaniques : Diego Garcia évoquait " ille magnus Alexander, de quo fama multiformiter mentiri non dubitat "5, alors qu'il écrivait son Planeta dans un contexte proche de la cour et de la cathédrale6. Son contemporain, le poète anonyme qui écrivit le Libro de Alexandre (dont il sera souvent question dans ces pages), joua à son tour avec l'équivoque et la discordia delectans1. Ce clerc lettré était bon lecteur de Gautier de Châtillon ; il fréquenta sans doute le palais, comme il avait fréquenté les écoles. Son Libro de Alexandre était prédestiné à une existence courtisane, tout comme l'était l''Alexandreis de Gautier de Châtillon, le plus connu des poèmes médio-latins sur Alexandre le Grand. Ces textes étaient brillants, énigmatiques ; ils renfermaient une pluralité de sens possibles. Le poème de Gautier était apprécié à la cour d'Angleterre, de France, de Castille et Léon aussi : Alphonse X estimait à sa juste mesure le livre " bon et grand et versifié en latin " composé par " maestre Galter "8. La figure d'Alexandre vivait dans les studia et dans les palais. La transmission des savoirs Alexandre fut en effet protagoniste au XIIe siècle de la transmission du savoir aux monarques, par la main des clercs, en latin. Il s'agit donc bien là d'une des formes de la translatio studii. La version latine du Sirr al'-asrâr réalisée par Johannes Hispalensis à Tolède avant 11509, connue sous le titre de De regimine sanitatis et dédiée à " domine T. gracia dei Hispanorum regine "10, se présente comme une épître d'Aristote au Macédonien11. La science de la médecine prenait la forme de conseils prodigués au roi Alexandre, et destinés donc aux souverains. Des liens intimes s'établissaient entre les clercs et les rois, entre l'Alexandre qu'incarnait la connaissance et la science véhiculée par les textes arabes ; la péninsule Ibérique devenait un espace privilégié d'intronisation de la matière alexandrine.En effet, dans le premier quart du XIIIe siècle12, l'auteur du Libro de Alexandre inaugura l'entrée officielle des savoirs en langue romane dans les lettres hispaniques, lorsqu'il mit dans la bouche du jeune prince l'éloge des artes de la clergie, qu'il avait reçues d'Aristote — " Assaz sé clerezía quanto me es mester / [...] me enseñaste las artes todas a entender " (vv. 39a et d). L'auteur du Libro d'Alexandre accueillait l'héritage latin, et traçait la voie pour les textes à venir, lorsqu'il modelait une figure alexandrine pleine de sapience — " Quiero leer un livro de un rëy pagano,/ [...] del prinçep'Alexandre, que fue rëy de Greçia / que fue [...] de grant sabïençia " (vv. 5a et 6ab).Alexandre symbolisait alors les métamorphoses du savoir : le roi grec porte, dans le Libro de Alexandre, une ceinture façonnée par " dame Philosophie "13. Dans le Libro de los buenos proverbios — traduction du Kitâb âdâb al-falâsifa d'Hunayn ibn Ishaq, composée vers 128014 —, les seuls à arborer une CD" ceinture gravée de proverbes sont Socrate et Diogène15. Mais Alexandre les accompagne, avec d'autres philosophes, portant aussi un sceau sur lequel sont inscrites les paroles suivantes : " Faz bien si quieres que te lo fagan "16. Dans ce même texte, il offre des enseñamientos11, comme les autres philosophes. Au-delà du motif captivant de la ceinture gravée de proverbes ou de sagesse, cet exemple montre comment l'écriture cléricale avait fait d'Alexandre le passeur d'un savoir. Un savoir qui était donc arrivé dans l'espace hispanique et dans la langue vernaculaire par le biais du Libro de Alexandre, au temps où Ferdinand III régnait sur la Castille, et qui à la fin du XIIIe siècle était pleinement installé à la cour d'Alphonse X de Castille et Léon18.Cependant, si le modèle d'Alexandre était opérationnel dans le domaine de la transmission des connaissances, il l'était encore plus dans celui de la représentation du pouvoir monarchique.
Les figures du monarque Certes, pour les clercs hispaniques, Alexandre le Grand n'était pas le seul référent de royauté. Ceux qui écrivirent des historiae au XIIIe siècle, en latin ou en langue vernaculaire, proposèrent aussi l'identification des monarques avec des modèles vétérotestamentaires comme Salomon ou David19, voire avec des figures de la mythologie grecque comme Jupiter20. La modélisation textuelle de la monarchie ne suivit pas une seule ligne de contenus, même si l'icône alexandrine fut très opérationnelle dans la construction d'images de propagande. Elle paraît avoir servi cette fonction avec une acuité particulière vers 1220-1225, dans les années immédiatement postérieures à la montée sur le trône de la Castille de Ferdinand III21. Le Libro de Alexandre fut composé dans ces années-là. Dans ce poème anonyme en langue vernaculaire, bien que le souverain grec symbolise la prudence pragmatique du bon gouvernant, il matérialise plutôt un désir de (re)conquête, s'inscrivant dans la dynamique d'acquisition du territoire22.L'auteur du Libro de Alexandre ne ménagea pas ses efforts pour représenter, dans les vers d'ouverture de son poème, un roi fondamentalement courageux, conquérant, dominateur. Ce clerc, lorsqu'il composa son prologue suivant les règles de l'accessus ad auctores, souligna les caractéristiques qui faisaient de son personnage un référent guerrier et victorieux : ce roi païen était brave, énérgique, il avait conquis le monde entier. Alexandre était essentiellement, pour le clerc qui le mit en vers romans, pour un public hispanique, un roi hardi et, surtout, vainqueur d'autres rois. La représentation d'un monarque consacré à la conquête occupe l'espace textuel de l'exorde, lorsque le poète définit sa materia :Non vos quiero grant prólogo nin grandes nuevas fer:luego a la materia me vos quiero coger.El Crïador nos dexe bien apresos seer:¡si en algo pecáremos, Él nos dene valer!
Quiero leer un livro de un rëy pagano,que fue de grant esfuerço, de coraçón loçano; conquiso tod'el mundo: metiolo so su mano. Ternem', si lo cumpliere, por non mal escrivano.
Del príncep'Alexandre, que fue rëy de Greçia, que fue franc'e ardit e de grant sabi'ençia; vençió Poro e Dario, rëys de grant potençia; nunca con ávol omne ovo su atenençia (strophes 4-6) C'est là le portrait classique d'un bon roi. Néanmoins, cette description est explicitement, matériellement teintée de motifs élogieux de l'énergie guerrière du souverain ; elle semble avoir été pensée pour constituer un modèle réellement agissant sur un monarque déterminé. Si le Libro de Alexandre fut composé dans les années où Ferdinand était roi de Castille, comment ne pas supposer que la materia du monarque païen, roi de conquête, était destinée à des récepteurs de cour, dont le fils de Bérengère ? Que ce texte cherchait à fournir à ses destinataires des images compréhensibles, mémorables, qui enseigneraient à ce souverain-là l'art de la guerre et du bon gouvernement ?23 Son exorde est de nature à susciter l'adhésion monarchique et à inciter au combat, même si les informations reliées à l'érudition de l'auteur, et de son public lettré, sont perpétuellement inscrites dans ce discours liminaire24. L'image que ce clerc anonyme avait construite était celle du savoir, certes. Mais elle se dédoublait, se dotait d'un autre sens encore, devenait plus riche. Le protéique Alexandre devenait dans le poème la figure suprême de l'action monarchique, de la victoire et de la loi.C'est pourquoi je pense qu'il est possible d'envisager sérieusement que le Libro de Alexandre ait été un texte destiné à fournir à Ferdinand III des images positives de monarchie ; qu'il ait constitué, comme l'on a habitude de le dire, un " miroir de princes ", plus intéressé par l'action que par la contemplation. Le poète anonyme n'a sans doute pas voulu composer un texte uniquement pour le roi : il a construit l'Alexandre pour démontrer son art et son savoir, pour briller auprès d'autres clercs, pour impressionner par l'opulence de ses descriptions, la pertinence des commentaires moraux, la maîtrise de la forme et des contenus. Mais avec ça, ce clerc a dû vouloir écrire pour le roi ; lui plaire, l'inspirer, gagner son estime.Cette œuvre dut aussi avoir une ambition idéologique forte, et jouer un rôle important à la cour. Son influence sur d'autres textes hispaniques, depuis les années immédiatement postérieures à sa composition jusqu'au moins la fin du XVe siècle, en est peut-être la meilleure preuve25. Mais, à vrai dire, on ne saurait parler de preuves ; nous ne pouvons que tenter d'ébaucher un paysage culturel, idéologique, historique. La connaissance des textes des clercs qui circulaient au palais, qui étaient destinés au monarque — ou commandités par lui —, au début du XIIIe siècle, peut nous aider à y voir plus clair. Nous aurons un contexte possible d'écriture pour le Libro de Alexandre ; nous aborderons ce poème dans ses relations avec d'autres œuvres dont l'objectif principal était bien chanter les hauts faits des rois castillans et léonais. Cela dit, nous devrons toujours rester dans le domaine de l'hypothèse en ce qui concerne à la fonction réelle de ce poème, pièce de poids dans l'échiquier textuel et politique qui accompagna la montée en puissance de la Castille.
Les conquêtes d'Alexandre : un modèle pour Ferdinand III Il a déjà été suggéré que le Libro de Alexandre aurait pu avoir une fonction auprès d'un monarque précis, même si le nom de celui-ci varie selon les chercheurs qui se sont attaqués à ce problème : le prince Alphonse, futur Alphonse X, pour Ian Michael26 ; Ferdinand III pour Juan Manuel Cacho Blecua21 ; Alphonse VIII pour moi28. En ce qui me concerne, j'ai modifié mes vues quant à la date de composition de l'œuvre ; comme il a été dit plus haut, j'accepte à présent l'hypothèse la plus commune et, en fin de comptes, la plus raisonnable : le Libro de Alexandre a très probablement été composé dans le premier tiers du XIIIe siècle et il circula vraisemblablement à la cour de Ferdinand. Je dois à ce stade expliquer ma position actuelle sur la datation du Libro de Alexandre. Un excursus chronologique Bien que je me sois inscrite, dans mes premiers travaux, contre l'hypothèse qui prétendait que la composition de ce poème eut lieu entre 1220-1230, je reconnais volontiers à présent que cette date me paraît acceptable. J'irai plus loin : la datation suggérée par Isabel Uria, c'est-à-dire les années 1217122729, me paraît être l'une des plus justes que l'on puisse proposer aujourd'hui — tout en ne partageant pas l'idée, défendue par cette spécialiste, que ce texte doive être nécessairement mis en rapport avec l' " université " de Palencia.Si j'avançais alors que le Libro de Alexandre avait été composé " dans les premières années du XIIIe siècle "30, c'était parce que : a) je considérais alors, comme je le considère aujourd'hui, que les tentatives de décryptage de plusieurs éléments du texte, qui constitueraient autant d'indicateurs chronologiques, étaient méthodologiquement insoutenables31 ; b) le seul indice qui paraissait réellement fiable aurait laissé entendre que le poème avait été écrit entre 1202 et 120732 ; c) je songeais déjà à la possibilité que ce poème ait résulté, d'une certaine façon, de l'effort de propagande mené à bien par Alphonse VIII de Castille, avec l'aide de ses clercs, pour représenter une monarchie puissante. J'imaginais alors qu'il pourrait s'agir d'un outil textuel issu des temps qui avaient précédé Las Navas de Tolosa.Présentement, ces raisons ne me paraissent plus aussi probantes. D'abord, parce que si les arguments proposés pour défendre une datation entre 1215-1230 (j'arrondis les dates) ne sont pas concluants, cela ne signifie point que cette datation est fausse. Ensuite, parce que les interprétations en théorie les plus rationnelles ont perdu progressivement de leur poids de conviction. Je pense ici aux opérations qui, mélangeant mathématiques et paléographie, ont tenté de déchiffrer la célèbre strophe 1799 du Libro de Alexandre33. Elles sont de nature circulaire, et pourraient virtuellement s'adapter à n'importe quelle chronologie34. Qui plus est, un travail récent a suggéré que la strophe 1799, généralement appréhendée comme étant le seul élément sûr qui pouvait dater le poème, ne peut pas être considérée comme un indice chronologique, mais comme " un défi mathématique burlesque"35. Certes, l'argumentation de Lucia Lazzerini est au moins aussi difficile à suivre que celle de Francisco Marcos Marín36 ; elle a la vertu, cependant, de mettre en lumière le caractère artificiel de toute tentative de démêler la strophe en question et de fonder sur semblable exercice exégétique la datation du Libro de Alexandre. Il en résulte, par conséquent, que nous ne disposons pas de données vérifiables pour dater le poème.En ce qui concerne la relation entre ce texte et le projet idéologique d'Alphonse VIII, je ne connaissais pas assez, il y a douze ans, le contexte littéraire et historique dans lequel j'aimais à situer le Libro de Alexandre. Pis encore, je n'avais pas fait le travail nécessaire pour essayer de reconstruire et de comprendre une "atmosphère" idéologique et littéraire qui existait peut-être, mais que je ne m'étais pas donné les moyens de connaître. Ce travail a été fait dans Les clercs au palais : avec tous ses défauts, cette monographie soumet à notre réflexion, au moins, la possibilité qu'Alphonse VIII et Ferdinand III, avec leurs clercs, aient édifié un monument à leur propre gloire, fondé sur les textes parmi lesquels put se trouver le Libro de Alexandre. Je dois donc faire ici amende honorable : je me rangerai désormais dans le camp de ceux qui affirment que ce poème fut composé autour de 1220 — même si mes raisons pour un tel revirement de position ne coïncident point avec celles qu'on énumère habituellement37. Comme je l'ai dit ailleurs, il me semble que les efforts publicitaires menés à bien par la 'clerezía' proche d'Alphonse VIII aboutirent après la mort de ce monarque, et que ce fut le temps de l'avènement du nouveau roi, Ferdinand, qui vit surgir des textes (tels que le Liber regum Toletanus, les Anales Toledanos Primeros, la première partie de la Chronica regum Castellae38), dont la fonction première était la représentation d'un lignage conquérant. Ces textes-là exploitèrent l'héritage préparé par Alphonse VIII.Si mon hypothèse venait à s'avérer, il apparaîtrait que la fiction poétique et encyclopédique fut choisie par le clerc anonyme qui composa le Libro de Alexandre pour, tout en parlant de monarchie antique et universelle, rappeler à ses auditeurs la figure du grand-père guerrier qui devait se réincarner dans le petit-fils. Cette œuvre aurait accompagné, selon des modalités qui restent à étudier et définir, l'appropriation par Ferdinand de la figure du combattant chrétien et du monarque puissant. Le Libro de Alexandre, poème monarchique, aurait participé à la construction dans la longue durée de l'image d'une royauté conquérante, pieuse, courtoise, savante. Revenons à l'idée que Ferdinand III aurait été le destinataire privilégié de ce texte anonyme, dont le personnage central aurait été partiellement dessiné à partir de l'image d'Alphonse VIII, son grand-père. Le petit-fils aurait trouvé de la materia à imiter dans les hauts faits de son aïeul, il s'y serait reconnu. Il faut fournir quelques indices qui puissent étayer l'hypothèse que l'Alexandre du poème pourrait coïncider avec la représentation textuelle de ce dernier monarque. Revenons donc au carrefour des textes. Je ne prendrai ici que deux ou trois élements qui pourraient nous guider sur cette voie39, dont l'un est déjà connu et a été exploité ailleurs : je pense à l'épisode de l'adoubement d'Alexandre le Grand dans le poème, et au récit de l'adoubement d'Alphonse VIII dans la documentation de la chancellerie castillane40. Je ne reviendrai pas ici sur les analogies frappantes qui existent entre ces deux textes, et m'arrêterai plutôt aux images de domination de la terre présents dans le Libro de Alexandre, absolument similaires à d'autres images issues d'un contexte précis, celui des textes écrits dans le rayon d'action de la cour Plantagenêt. Alexandre, dit le clerc anonyme, dominait de la mer à la mer — " Alexandre, que era rëy de grant poder, / que nin mares nin tierra non lo podién caber " (2672a). Cette hyperbole avait été utilisée par un autre clerc vers 1190, pour décrire avec une référence messianique explicite le roi Alphonse VIII : " aldefonsus [...] cuius inmense celsitudinis et consone uero fame preconium a solis ortu[s] cardine ad usque terre limitem longe lateque dispersum insonuit "41. Le clerc qui écrivait ces paroles dans le prologue du Forum Conche — texte fondamental dans la représentation d'Alphonse VIII de Castille comme monarque victorieux42 — imitait très probablement les écrits des auteurs " à la solde d'Henri II Plantagenêt, toujours enclins à exalter son œuvre politique "43. Il me semble que nous avons là un élément qui permet de suivre la trace de la circulation d'idées et de textes entre la cour anglaise et la cour castillane au tournant des XIIe et XIIIe siècles : l'Alexandre du poème, lorsqu'il s'agit de dire le pouvoir monarchique, ressemble aux représentations des monarques Plantagenêt — Rodrigo Jiménez de Rada, lui aussi, se servit dans son Historia de rebus (c . 1243) d'une image semblable pour chanter la gloire d'Alphonse VIII : " [...] repleuit terram timore suo Fama regis conclusit mare et nomen eius compescuit transeuntes "44 : est-ce un détail sans importance ? On trouve, certes, dans cette image du roi qui impressionne ses vassaux des échos de la représentation d'Alexandre dans le premier livre des Macabées, 1, 3 : " [.] siluit terra in conspectu eius " (" la terre devint silencieuse devant son regard "). Il est cependant significatif, j'insiste, dans cette écriture d'une " mystique de la royauté conquérante "45, que les textes que je viens de citer semblent être aussi en rapport avec les représentations affectionnées par les clercs de la cour anglaise pour figurer leur souverain, Henri II Plantagenêt, beau-père d'Alphonse VIII de Castille. Giraud de Barri, dans sa Topographia Hibernica, composée en 1188, écrivait à propos du monarque anglais : " Vos victoires défient les bornes de la terre : vous, notre Alexandre de l'Occident, avez étendu votre bras depuis les Pyrénées jusqu'aux confins occidentaux de l'Océan Septentrional"46. Les dates de composition de la Topographia Hibernica et du prologue au Forum Conche pourraient coïncider ; des lettrés anglais fréquentaient vraisemblablement la cour castillane. Que le roi d'Angleterre et le roi de Castille aient été représentés, à la même période, au moyen d'images presque parfaitement identiques, où la figure d'Alexandre le Grand joue un rôle central, ne paraît pas être uniquement un hasard. Nous sommes devant une modalité de représentation du monarque caractéristique des écrivains de la cour anglaise d'Henri II dans les dernières années du XIIe siècle : le roi y est identifié à Alexandre le Grand. Cette cour anglaise est contemporaine de celle d'Alphonse VIII, avec laquelle elle entretient des liens étroits, tant sur le plan familial — Alphonse est marié à Aliénor, fille d'Henri et d'Aliénor d'Aquitaine — qu'artistique et culturel41. Le prologue au Forum Conche témoigne de la pénétration dans les lettres hispaniques de cette modalité de représentation : on y évoque le pouvoir d'Alphonse VIII avec des formules qui sont l'apanage de la figuration d'Henri II Plantagenêt, lequel apparaît comme le nouveau Alexandre. Alphonse VIII reçoit donc, avec le prologue au Forum Conche, les attributs du conquérant macédonien. Les textes postérieurs, comme la Chronica regum Castellae48 et le Libro de Alexandre semblent avoir développé cet héritage scriptural : pour preuve, l'épisode suscité de l'adoubement d'Alphonse VIII. Que les récits de la prise d'armes des (futurs) monarques macédonien et castillan se ressemblent tant, dans le poème et dans les chartes, peut s'expliquer par l'acceptation de la métaphore adoptée par les clercs anglais et hispaniques : Alexandre maintient avec Alphonse VIII une relation analogique, que les récepteurs de cour du Libro de Alexandre auraient retrouvée facilement.La plus reconnaissable des images d'Alexandre derrière laquelle se trouverait Alphonse VIII est pourtant, à mon avis, la très belle entrée du roi grec dans Babylone, telle qu'elle est racontée dans le Libro de Alexandre. J'ai déjà étudié cette question49 ; je suis toujours séduite par la possibilité que le substrat de cette description opulente ait été l'entrée d'Alphonse dans Cuenca, son Alphonsipolis. Ce qui relierait le passage du poème et l'événement historique serait, au-delà du fait que Babylone et Cuenca furent, respectivement, les deux grandes conquêtes d'Alexandre et d'Alphonse VIII, la représentation du grec comme roi qui donne et fait la loi, celle-là même qu'Alphonse VIII chercha à laisser dans la mémoire du royaume par la composition du Forum Conche et son application subséquente à de très nombreuses villes qui tombaient dans le giron d'une monarchie victorieuse.Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas exactement de postuler l'existence de relations textuelles directes entre les textes évoqués. Plutôt, de suggérer que le clerc qui composa le Libro de Alexandre baigna dans une atmosphère encore imprégnée des échos des hauts faits d'Alphonse VIII. L'on sait que le poète anonyme profita de tous les interstices laissés par ses sources pour les modifier et faire de son poème une œuvre individuelle et reconnaissable. L'apologie de la royauté se fit, dans ce texte, par le souvenir d'Alphonse VIII, et avec la conscience de la valeur exemplaire de sa figure auprès de Ferdinand III. L'icône universelle aurait été castillanisée ; elle ne serait pas un référent éloigné, mais porterait les traits du grand-père héroïque. Cela pourrait expliquer, peut-être, les coïncidences entre la narration de la mort de Ferdinand III dans la Estoria de España et le poème50.Concluons pour l'instant qu'il semble raisonnable de croire à une diffusion des œuvres qui nous occupent dans un espace et un temps communs. Si l'on accepte cette possibilité, le panorama textuel et idéologique des XIIe et XIIIe siècles s'en trouvera enrichi. Avançons également qu'Alphonse VIII, comme Alexandre, semble avoir constitué une icône représentant le passé récent de la monarchie, un modèle aussi ambivalent qu'Alexandre. Car si nous connaissons sa détermination positive, il importe de tenir compte du revers de la médaille. La représentation négative du vainqueur de Las Navas, du conquérant de Cuenca, est beaucoup moins puissante que la première, mais elle a été décisive dans la construction de fictions monarchiques dans les textes péninsulaires.
L'héritage d'Alexandre : la superbe du roiLa figure d'Alexandre le Grand avait la vertu, en plus de dessiner des univers de victoire et de pragmatisme politique suffisamment indéfinis pour pouvoir en extraire des applications concrètes — comme je crois l'avoir constaté dans le cas d'Alphonse VIII et Ferdinand III —, d'être ancrée dans une thématique fondamentale, celle de la filiation et donc, de la légitimité. Le Libro de Alexandre témoigne de ce goût pour les récits lignagers, tout comme d'autres textes du XIIIe siècle construits autour de la représentation monarchique.Deux des sources consultées par le clerc qui écrivit le Libro de Alexandre (Roman d'Alexandre et Alexandreis51) — se font l'écho de la rumeur qui voulait qu'Olympias, mère d'Alexandre et épouse de Philippe de Macédoine, n'avait pas engendré son fils avec son mari mais avec le roi d'Egypte Nectanabus. L'auteur anonyme évite de s'appesantir sur cette possibilité et affirme qu'Alexandre reçut le royaume de Macédoine en tant qu'héritier légitime. Mais, tout en étant attentif à proclamer l'héritage du jeune roi à la mort de Philippe, ce clerc ne fait pas tout pour effacer le doute : le vers 20d du Libro de Alexandre explicite que Nectanabus est bien le père d'Alexandre52. Ce feuilleton n'intéresse finalement pas vraiment l'auteur du poème53, qui insiste en revanche sur un fait : le roi Alexandre est bien le fils de sa mère. Ce serait là une autre raison de croire que ce poème aurait eu du succès auprès de Ferdinand III et de sa famille : la figure maternelle y occupe une place de choix, à l'instar de Bérengère, toujours proche de son fils54. Remarquons toutefois qu'Olympias joue un rôle dans le Libro de Alexandre uniquement au début du texte, et qu'elle est releguée au souvenir, une fois son fils monté sur le trône55. Le problème de la filiation du souverain est donc présent dans le poème anonyme ; il prend une ampleur essentielle dans des narrations bâties sur la figure d'un monarque qui bénéficia peu après sa mort d'une aura analogue à celle du conquérant grec, dans sa représentation textuelle : Alphonse VIII. Les récits de la fin du XIIe et du premier tiers du XIIIe siècle proposent, sur les exemples d'Alexandre et d'Alphonse VIII, un modèle monarchique positif, dynamique ; la représentation du roi se fait à partir d'un schéma d'amélioration56, de dépassement des obstacles et de succès final. Lorsque l'auteur anonyme du Libro de Alexandre, ainsi que Rodrigo Jiménez de Rada dans son Historia de rebus, Lucas de Tuy dans son Chronicon mundi (1238) ou encore Juan d'Osma dans sa Chronica regum Castellae (terminée en 1236), écrivent sur les rois, ils sont les panégyristes dévoués de la monarchie : les figures qu'ils construisent sont, fondamentalement, imitables. Alexandre fonctionne en effet « comme l'icône d'une utilitas discrétionnaire gratia Dei que les princes de l'époque auront volontiers pris comme exemple à imiter, puisque le pouvoir royal incarné par le Macédonien s'annonce comme synonyme de réussite »57 ; Alphonse VIII aussi : c'est pourquoi son image a pénétré un si grand nombre de textes58. Des années plus tard, à la fin du XIIIe siècle et au début du XIVe siècle, en revanche, prendront forme écrite des constructions discursives qui semblent avoir fonctionné a contrario, se fondant sur un schéma de dégradation qui met l'accent sur les échecs du monarque. C'est encore à partir d'Alphonse VIII, par le choix d'interprétations différentes de sa figure, que des textes du tournant du XIIIe et du XIVe siècle témoignent d'un refus de la réussite royale, d'un éloignement de ce qui était idéologiquement adéquat dans le système monarchique. La figure centrale en est toujours le souverain, qu'il s'appelle Alphonse VIII ou Alphonse X ; sa représentation est celle d'un pécheur, racheté ou pas, qui est à l'origine des malheurs de ses héritiers.J'évoquerai donc rapidement ici quelques éléments en rapport avec des histoires de famille, avec " des thèmes légendaires qui conforment un imaginaire dynastique ", comme l'a écrit Georges Martin59. Ces histoires enlaidissent la figure idéale du prince, et elles pourraient bien être dues à l'initiative d'une noblesse insatisfaite ; signalons cependant qu'il est curieux de constater que la première allusion à l'arrogance d'Alphonse VIII ne procède pas des cercles de l'aristocratie, mais elle est issue du calame de Juan d'Osma, chancelier de Ferdinand III60. Comme je crois l'avoir démontré ailleurs, la Chronica regum Castellae de ce dernier, le Chronicon mundi de Lucas de Tuy, une note à l'Estoria de España61, la Crónica geral de 1344 du comte de Barcelos et les Miraculos romançados (c. 1285) ont contribué à édifier un 'roman familial' à partir de faits historiques62. La fiction royale transmise et successivement rénovée par ces textes est ancrée sur la mort des enfants mâles d'Alphonse VIII, à laquelle on oppose une interprétation symbolique : si les jeunes princes sont tous décédés (Henri Ier, roi éphémère, ne semble pas avoir été pris en compte), c'est parce que leur père avait péché, se livrant à des amours coupables avec une maîtresse, juive de surcroît. L'insinuation du péché du roi se trouvait déjà en 1226 dans la première partie de la Chronica regum Castellae ; le clerc Juan d'Osma ne parlait pas d'amour, mais de superbe. Les deux fautes, adultère et orgueil, seront lavées en 1212, nous dit la note marginale à l'Estoria de España. La mémoire d'Alphonse VIII, légèrement souillée, finira par resplendir, lorsque le monarque fera pénitence. Alphonse apparaît, dans les chroniques des XIIIe et XIVe siècle, comme un roi superbe, avatar hispanique d'Alexandre l'orgueilleux. Les textes historiographiques du XIIIe siècle témoignent d'un revirement narratif : alors que dans le premier tiers du siècle, les chroniques chantent les louanges d'Alphonse VIII le conquérant, à la fin du XIIIe siècle ce même monarque incarne la superbe royale. On gagnerait à comparer cette évolution avec celle qui concerne l'image d'Alexandre le Grand, à la même période, dans le même espace culturel : au début du siècle, l'image du roi grec, alors caractérisée par sa puissance guerrière et par ses victoires, envahit les textes ; en revanche, à la fin du XIIIe siècle Alexandre fonctionne essentiellement comme une figure de savoir, symbolisant l'excès de curiosité, agissant comme un contre exemplum d'arrogance profane.Mais finalement, l'orgueil des souverains n'est pas un vice insupportable. Plus dangereuse est la rupture de la filiation, symbolisée par la mort des héritiers mâles, ce qui provoque le problème de la légitimité des filles d'Alphonse VIII. Comme l'a récemment affirmé Georges Martin à propos du droit de Bérengère à succéder à son frère Henri, « il y avait légitimité de droit, mais, dans les faits, défaut de reconnaissance tenant au genre »63. Ferdinand III dut combler une lacune, agir en tant qu'héritier quasiment direct de son grand-père. Les textes de la chancellerie font le nécessaire pour proposer cette image là aux sujets du nouveau monarque64. La noblesse s'agitait alors pour empêcher la filiation victorieuse de Bérengère et de sons fils, et préféra se ranger du côté de Blanche, épouse du roi de France65. Ces tensions retombèrent sur le fils de Ferdinand, Alphonse qui hérita du royaume et aussi de la légende de la mort des fils de son arrière grand-père. Dans un temps hérissé de problèmes avec la noblesse, les Miraculos romançados absolvent ce monarque, le gratifiant des faveurs de saint Dominique de Silos, représentant Alphonse X comme le roi pacificateur et autoritaire qu'il n'était sans doute pas en réalité. Enfin, Silos semble avoir été, à la fin du XIIIe et au XIVe siècle, un espace favorable à ce souverain. Alors que la Crónica de 1344 reprenait, développait et finissait d'achever l'image déjà passablement maculée d'Alphonse X, en élaborant une autre fiction secondaire (celle du blasphème du roi, directement liée au péché de superbe d'Alphonse VIII), un texte intitulé Relación de las cosas notables acaecidas en tiempo del rey don Alfonso y de su muerte, glose la matière des Miraculos romançados et propose une figure positive du monarque, le représentant comme souverain pieux et repenti.Un fil narratif long, fondé sur l'adage reges a recte agendo vocati sunt, et adapté aux circonstances historiques et aux ambitions de différents groupes sociaux (les clercs de cour, les nobles, les moines), relie tous ces textes. Une fiction se tisse ainsi, qui relève de la figuration matricielle chrétienne du péché et de la pénitence, et qui s'ajuste parfaitement à une Histoire en train de se faire. Il n'y a rien de bien neuf dans ces récits croisés, bâtis sur l'histoire d'un roi orgueilleux, puni par Dieu pour excès d'arrogance, et récompensé à la fin par un empire ou un royaume66. On aura reconnu la trame du Libro de Alexandre, aussi bien que celle de la biographie fragmentée d'Alphonse VIII, dispersée dans des textes de nature diverse. On reconnaîtra également la mythologie d'Alphonse X, pour lequel les textes (et les hommes) eurent peu de pitié. Quant à Ferdinand III, il se retrouve au carrefour des écritures.Le Libro de Alexandre est aussi situé dans une position médiane : entre les textes latins qui exposent une figure conquérante et ceux qui sont écrits en roman, qui préfèrent la sagesse. La materia d'Alexandre surplombe la materia monarchique ; Alphonse VIII domine la fiction royale castillane. Les héritiers de ce souverain endurèrent la mémoire d'une faute probablement imaginaire ; les œuvres écrites après le Libro de Alexandre jouirent d'une plus agréable destinée, puisqu'elles partagèrent souvent les formes, les motifs, les ambitions aussi, de ce texte qui incarne à lui seul la complexité de ce que j'ai nommé aetas alexandrina.
NOTAS 1 Elles sont issues de mon dossier de Synthèse pour l'Habilitation à diriger des recherches (soutenue en Sorbonne en décembre 2006) ; elles synthétisent des travaux antérieurs, auxquels je me référerai dans les notes de cet article. Je voudrais remercier ici les étudiants de l'Université de Santiago de Compostela qui ont suivi mon cours de doctorat " Alejandro Magno en la literatura medieval hispánica " (module d'enseignement " O mundo Clásico na Idade Media "), du 22 au 26 janvier 2007 : je leur dois des discussions passionantes sur le sujet qui m'ont aidée à y voir plus clair.2 Je m'inspire des conclusions de J. C. Gardin et de C. Kappler, " Les récits d'Alexandre et leurs commentateurs, entre histoire et littérature " et " Images et signes d'un haut dessein ", Alexandre le Grand dans les littératures occidentales et proche-orientale, L. Harf-Lancner, C. Kappler et F. Suard (éds.), Paris, Université Paris X-Nanterre, 1999, p. 373-379 et 381-386.3 La référence obligée pour l'étude des représentations médiévales d'Alexandre le Grand reste G. Cary, The Medieval Alexander, Cambridge, Cambridge University Presse, 1956. Voir aussi M. R. Lida de Malkiel, "La leyenda de Alejandro en la literatura medieval ", Romance Philology, 15, 1961-1962, p. 413-423.4 Voir J. Y. Tilliete, " L'Alexandréide de Gautier de Châtillon : Énéide médiévale ou Virgile travesti ? ", Alexandre le Grand dans les littératures occidentales et proche-orientale, L. Harf-Lancner, C. Kappler et F. Suard (éds.), Paris, Université Paris X-Nanterre, 1999, p. 275-282, p. 280.5 Cf. M. Alonso, Planeta, Madrid, C.S.I.C., 1943, p. 164.6 Sur cette œuvre encore méconnue, on pourra voir bientôt mon livre Les clercs au palais. Chancellerie et écriture du pouvoir royal (Castille 1157-1230), à paraître. Voir également R. Wright, El Tratado de Cabreros (1206) : estudio sociofilológico de una reforma ortográfica, Londres, Queen Mary and Westfield College, 2000. J. L. Moralejo donne la meilleure définition du Planeta, texte inclassable : " Difícil de clasificar, aunque pudiera entrar en un apartado a medio camino entre la teología escolástica y la ascético-mística, es la obra latina tal vez más estilísticamente curiosa de todo el siglo XIII hispano : el tratado Planeta de Diego García de Campos [...] también tiene mucho de exégesis bíblica y de un enciclopedismo típico de la escolástica temprana a la manera, por ejemplo, de un Juan de Salisbury. Por otra parte, separa al Planeta de la escolástica propiamente dicha su decidida voluntad de estilo y el amplio manejo de las referencias literarias que hace el autor [... ] Lo que hace, sin embargo, más interesante la obra de Diego García es el que puede ser considerado como un autor plenamente europeo, buen conocedor de las corrientes intelectuales de la Francia del tiempo "; cf. " Literatura hispano-latina (s. V-XVI) ", Historia de las literaturas hispánicas no castellanas, coord. J. M. Díez Borque, Madrid, Taurus, 1980, p. 85-86.7 Apud M. Gosman, La légende d'Alexandre le Grand dans la littérature française du 12' siècle, Amsterdam, Rodopi, 1997, p. 77 : "[...] les contradictions ne sont cependant que des émanations de la même intention divine et ils cachent tout simplement une vérité qui n'est pas (encore) accessible. C'est la bien connue notion de discordia delectans : on semble accepter joyeusement la combinaison des irréconciliables ".8 L'auteur du Libro de Alexandre hérita de l'Alexandreis l'image équivoque du conquérant qui cherche à franchir les limites de la connaissance humaine. On lit aux strophes 2439-2442 : " El rëy de los griegos es muy fiero sallido: / omnes, sierpes e bestias, todo lo ha vençido. / Con el poder agora es tanto enloquido / que miedo e vergüença todo lo ha perdido. / / Non le cabe el mundo ni'l puede abondar: / dizen que los antípodes quiere venir buscar; / desent' tiene asmado los Infiernos proiçiar: / ¡a mí con todos vós en cadenas echar! / / Pero en una cosa prendo yo grant espanto: / cantan las Escripturas un desabrido canto: / ¡que parrá una virgen un fijo müy santo, / por que han los Infiernos a prender mal quebranto! // Si es ésti o non, non vos lo sé dezir, / mas valiente contrario nos ha a devenir: / tollernos ha las almas -esto non puede fallir-; /robarnos ha el campo, no'l podremos nozir ". Pour le texte du Libro de Alexandre, je cite toujours à partir de l'édition de J. Casas Rigall, Nueva Biblioteca de Erudición y Crítica, 28, Madrid, Castalia, 2007.8 Cf. General estoria, IV ; je cite apud C. Domínguez, El concepto de 'materia' en la teoría literaria del Medievo. Creación, interpretación y transtextualidad, Madrid, C.S.I.C, 2004, p. 141.9 Voir M. Grignaschi, " L'origine et les métamorphoses du Sirr al-'asrâr ", Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 1976, 43, p. 7-112.10 Voir H. Suchier, Epistola Aristotilis ad Alexandrum cum prologo Johannis Hispaniensis, Denkmâler provenzalischen Literatur, Halle, 1883, p. 473-480.11 On a voulu identifier " domine T. regine " comme étant Thérèse de Portugal, fille d'Alphonse VI, morte en 1130, ce qui ne paraît pas cadrer avec la biographie de Iohannes Hispalensis. On a aussi proposé que 'T. ' puisse correspondre à Thérèse, fille du comte Fernando de Lara et deuxième épouse de Ferdinand II de Léon (de 1175 à 1185). Ces dates-là ne coïncident pas non plus avec ce que l'on croit savoir sur l'auteur de la traduction. Pour la deuxième hypothèse, voir J. Hernando Pérez, Hispano Diego García, escritor y poeta medieval, y el 'Libro de Alexandre', Burgos, 1992, qui identifie Diego García avec Iohannes Hispalensis et préfère donc la datation tardive. Voir aussi M. Grignaschi, " L'origine et les métamorphoses ", art. cit., ainsi que, du même auteur, " La diffusion du Secretum secretorum dans l'Europe occidentale ", Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge, 1980, 48, p. 7-70. Enfin, sur l'identification de Iohannes Hispalensis, L. Thordinke, " John of Seville ", Speculum, 1959, 34, p. 20-38.12 Pour la date de composition de l'œuvre, voir plus bas.13 Vv. 91ab : " La çinta fue obrada a muy grant maestría: / obrola con sus manos doña Filosofía ".14 Voir H. Sturm, Libro de los buenos proverbios, Kentucky, Kentucky University Press, 1971 et M. Haro Cortés, Literatura de castigos en la Edad Media : libros y colecciones de sentencias, Madrid, Arcadia de las Letras, 2003 , p. 17.15 Cf. H. Sturm, op. cit., p. 48.16 Ibid., p. 50 : " En el sello de Alexandre avie escripto : Faz bien si quieres que te lo fagan ".17 Ibid., p. 99 et suivantes. 18 F. Gómez Redondo affirme, dans son Historia de la prosa medieval castellana. I., La creación del discurso prosístico : el entramado cortesano, Madrid, Cátedra, p. 455, à propos du Libro de los buenos proverbios : " Una vez más : sólo un monarca como Alfonso X podía estar interesado en que tales ideas se difundieran ". Il faudrait analyser l'emploi de la figure d'Alexandre par les historiens qui travaillèrent à composer la Estoria de España et la General estoria. Voir par exemple l'information suivante : " La Estoria de España también previene a los subditos de la imposibilidad de intentar derribar este sistema político y los conmina a respetar a sus sennores naturales. Cf. el cap. 50 de la Estoria de España, dedicado a relatar la sublevación de los habitantes de Tiro contra sus príncipes, rebelión que acabó con todos ellos excepto uno. Los de Tiro terminaron por reconocer la categoría del único sobreviviente y lo alzaron rey de la ciudad ; pero aun así, fueron castigados debido a su rebeldía por uno de los representantes naturales del orden divino, un rey, Alejandro el Magno ", cf. I. Fernández-Ordónez, Las estorias de Alfonso el Sabio, Madrid, Istmo, 1992, p. 43, note 46.19 Pour l'identification d'Alphonse VIII avec Salomon, ainsi qu'avec David, on peut voir mon article " De la soberbia del rey : dos formas breves en la construcción historiográfica ", Tipología de las formas narrativas breves románicas medievales (III), J. M. Cacho Blecua & M. J. Lacarra (éds.), Zaragoza-Granada, Universidad de Zaragoza-Universidad de Granada, 2003, p. 79-110, et les travaux de M. A. Rodríguez de la Pena, " La realeza sapiencial y el ciclo del Alexandre medieval : tradición gnómica y arquetipos políticos en el Occidente latino (siglos XII y XIII) ", Historia, Instituciones, Documentos, 1999, 26, p. 460-490 et " El paradigma de los reyes sabios en el De Rebus Hispaniae de Rodrigo Jiménez de Rada ", Sevilla 1248. Congreso Internacional Conmemorativo del 750 Aniversario de la Conquista de la Ciudad de Sevilla por Fernando III, Rey de Castilla y León, M. González Jiménez (éd.), Madrid, Fundación Ramón Areces, 2000, p. 757-765.20 Alphonse X semble avoir voulu être reconnu comme un avatar de Jupiter ; voir F. Rico, Alfonso el Sabio y la General Estoria. Tres lecciones, Barcelona, Ariel, 1984.21 Il ne sera pas nécessaire de rappeler que Ferdinand III monta sur le trône de la Castille en 1217, et qu'il régna sur la Castille et le Léon réunis à partir de 1230, et jusqu'en 1252, année de sa mort et de l'avènement de son fils Alphonse X. Ferdinand était fils de Bérengère de Castille et d'Alphonse IX de Léon, petit-fils d'Alphonse VIII de Castille et de Ferdinand II de Léon.22 Voir, sur cette question, mon La translation d'Alexandre. Recherches sur les structures et les significations du Libro de Alexandre, Paris, Klincksieck, 1999, p. 219-261. 23 Il va de soi que le Libro de Alexandre est beaucoup plus qu'une œuvre de propagande. Je me limite ici à souligner un aspect moins présent dans l'interprétation qu'on fait souvent de ce texte. 24 Pour une étude de l'exorde du Libro de Alexandre, je me permets de renvoyer à mon article "El exordio del Libro de Alexandre", Revista de Literatura Medieval, 9, 1997, p. 47-60. 25 Voir A. Arizaleta, " La figure d'Alexandre le Grand comme modèle d'écriture dans la littérature médiévale castillane ", en Alexandre le Grand dans les littératures occidentales et proche-orientale, op. cit., p. 173-186.26 Voir I. Michael, The Treatment of Classical Material in the Libro de Alexandre, Manchester, Manchester University Press, 1970, p. 86 : " the contemporary prince whom the poet admired was Ferdinand III, a not inconsiderable patron of learning, or even more credibly the young Prince Alfonso, who was to become the most scholarly of medieval kings ".27 Voir J. M. Cacho Blecua, " El saber y el dominio de la Naturaleza en el Libro de Alexandre ", Actas del III Congreso de la Asociación Hispánica de Literatura Medieval, M. I. Toro Pascua (éd.), Salamanca, Universidad, 1994, p. 197-207. J. M. Cacho Blecua étudie (p. 201-202) l'épisode de l'adoubement d'Alexandre, que j'ai aussi analysé dans " Alexandre en su Libro ", La Corónica, 28.2, p. 3-20, et le met en rapport avec l'adoubement de Ferdinand III, alors que j'ai préféré le comparer à celui d'Alphonse VIII. Il est certain que le passage du Libro de Alexandre aurait rappelé à Ferdinand III le rituel de son propre adoubement, à l'automne 1219 ; je continue de penser, toutefois, que les analogies entre ce que nous savons de la prise de l'épée par Alphonse VIII et le poème sont trop importantes pour que l'on écarte l'hypothèse que son auteur cherchait à représenter la majorité de ce dernier, plutôt que de son petit-fils.28 Dans La translation d'Alexandre, op. cit, p. 245-261, p. 259 : "Je conclurai en disant que, s'il fallait identifier une figure royale concrète comme source d'inspiration directe pour l'Alexandre, je serais tentée de proposer celle d'Alphonse VIII de Castille ".29 Voir son Panorama crítico del mester de clerecía, Madrid, Castalia, 2000, p. 198 : " Por el contrario, la década de los años 1217-1227, coincidente con el momento de mayor empuje de la Universidad de Palencia, parece la más indicada para situar en ella la composición y redacción del Alexandre, como habían señalado, hace muchos años, Baist y Alarcos ".30 La translation d'Alexandre, op. cit, p. 26.31 Ibid., p. 17-23 et 25.32 Ibid., p. 23-25.33 Strophe 1799 : "Allí escrivió la cuenta, ca de cor la sabié; / el mundo quándo fue fecho, quántos anos avié: / de tres mill e nueveçientos e doze non tollié / agora quatroçientos e seis mill emprendié ". Pour les analyses de cette strophe qui visent à affirmer que le poème fut écrit entre 1202 et 1207, voir les travaux de R. S. Willis, N. Ware, E. García Gascón et, surtout, F. Marcos-Marín, commentés dans La translation d'Alexandre, p. 1725. Pour des analyses visant plutôt 1220-1225, voir G. Hilty et E. Franchini, ibid. Un point de vue sceptique sur la validité de la méthode de reconstruction (hasardeuse) de l'original, dans C. Alvar, ibid., p. 24, note 60).34 La démarche de G. Hilty et E. Franchini est, au fond, très similaire de celle de F. Marcos Marín. Je remercie Alberto Montaner de m'avoir démontré distinctement le caractère factice de l'argumentation du deuxième.35 Cf. L. Lazzerini, " El Libro de Alexandre y sus presuntos enigmas ", Cultura neolatina, 65, 1-2, 2005, p. 99152, p. 117 : " El vulgarizador, en vez de limitarse a traducir su auctor (o más simplemente el resultado final de las varias sumas y multiplicaciones), ha querido emularlo, lanzándole un burlesco desafío matemático ; y no cabe duda de que ha vencido la competición, consiguiendo mimetizar la misma cifra dentro de un cálculo diverso y también recuperando ingeniosamente, en homenaje al propio modelo, varios números del poema latino ".36 En outre, Lazzerini affirme que Gonzalo de Berceo écrivit le Libro de Alexandre. 37 Les questions relatives à l'état de langue du Libro de Alexandre, étudiées par G. Hilty ou E. Franchini, cadrent le poème entre 1220 et 1227. Sur la question de la langue du poème, on verra J. García López & C. Sánchez Lancis, " Formas occidentales en el Libro de Alexandre y la lengua de la cuaderna vía ", Del 'Libro de Alexandre' a la 'Gramática castellana', M. Campos Souto (éd.), Lugo, Axac, 2005, p. 27-57. Javier Rodríguez Molina prépare une étude complète sur la syntaxe du Libro de Alexandre, qui apportera sans doute de nouvelles données pour aborder ce problème.39 Pour une étude complète, il faudra se référer à ma monographie, Les clercs au palais, à paraître. 40 Voir A. Arizaleta, "Alexandre en su Libro ", art. cit, ainsi que la note 29, supra. 41 R. de Ureña y Smenjaud, Fuero de Cuenca (formas primitiva y sistemática: texto latino, texto castellano y adaptación del fuero de Iznatoraf), Madrid, Real Academia de la Historia, 1935, p. 111. Il existe une traduction au castillan de ce for, par A. Valmaña Vicente, El Fuero de Cuenca, Tarmo, Cuenca, 1978 ; pour le passage cité, p. 32 : « Alfonso [...] el anuncio de cuya inmensa grandeza e incluso de su concordante fama resonó esparcido a lo largo y a lo ancho, desde la salida del sol hasta el confín de la tierra ».42 J'ai étudié en détail le prologue du Forum Conche dans Les clercs au palais (à paraître). .43 Cf. M. Aurell, L'Empire des Plantagênet, Paris, Perrin, 2003, p. 9.44 Cf. Roderici Ximenii de Rada, Historia de rebus Hispaniae sive Historia Gothica, J. F. Valverde (ed), Turnhout, Brepols, 1987, VII, xxvi, p. 248-49 : " la renommée du roi remplit la terre de peur, immobilisa la mer, et son nom arrêta les passants " (la traduction est mienne).45 Aurell (2003 : 9) 46 Cf. J. M. Boivin, L'Irlande au Moyen Age. Giraud de Barri et la Topographia Hibernica (1188), Paris, Champion, 1993, p. 266.47 Cette question doit être encore approfondie. Pour ce qui est des relations artistiques entre la cour Plantagenêt et la cour de Castille à la fin du XIIe siècle, on peut voir les travaux de M. Castineiras, " L'Alessandro anglonormanno e il mosaico di Otranto : una ekphrasis monumentale ? ", Troianalexandrina, 4, 2004, pp. 41-86, D. Ocón Alonso, " Alfonso VIII, la llegada de las corrientes artísticas de la corte inglesa y el bizantinismo de la escultura hispana a fines del siglo XII ", en II Curso de cultura medieval. Aguilar de Campoo, 1-6 octubre 1990. Seminario : Alfonso VIII y su época, coord. J. Nuno González, Aguilar de Campoo, 1992, p. 307-320 et O. Pérez Monzón, " Iconografía y poder real en Castilla : las imágenes de Alfonso VIII ", Anuario del Departamento de Historia y Teoría del Arte, 14, 2002, p. 19-41, sans oublier le projet des chercheurs de l'Université de León (G. Cavero, F. Galván, E. Fernández et M.V. Herráez) sur le culte à Thomas Becket dans la péninsule Ibérique.48 Pour une analyse des liens éventuels entre la Chronica regum Castellae et le Libro de Alexandre, on peut voir mon " Imágenes de la muerte del rey : Libro de Alexandre y Chronica latina regum Castellae ", Rilce, 23.2, 2007, p. 299-317. La Chronica regum Castellae fut terminée c. 1236 ; sa première partie était finie en 1226.49 Dans " Le centre introuvable : la Babylone castillane du Libro de Alexandre ", La ville dans le monde ibérique et ibéro-américain (actes du XXVIIème Congrès de la Société des Hispanistes Français de l'Enseignement Supérieur, 24-26 mars 1995), J. P. Clément et A. M. Capdeboscq (éds.), La licorne, 34, 1995, p. 145-153 ; " Del texto de Babel a la biblioteca de Babilonia. Algunas notas acerca del Libro de Alexandre ", La fermosa cobertura. Lecciones de Literatura Medieval, F. Crosas (éd.), Pamplona, Eunsa, 2000, p. 35-69, et dans Les clercs au palais (à paraître).50 Voir La translation, op. cit., p. 250-253. N'oublions pas cependant que les gestes communs au poème et à l'Estoria de España pourraient relever d'une gestuelle de la mort royale ; voir I. Michael, The Treatment, op. cit., p.110-111.51 Voir La translation, op. cit., p. 50-80.52 Strophes 19-20 : " Por su sotil engeño, que tanto aprodava, / a maestre Netánamo dizién que semejava, / e que su fijo era grant roído andava. / ¡Si lo era o non, todo'l pueblo pecava! // El infant'el roído no'l pudo encobrir; / pesol' de coraçón; non lo pudo sofrir: / despeñol' d'una torre, onde ovo a morir. / ' ¡Fijo -dixo el padre-, Dios te dexe bevir! ' ". Voir aussi la strophe 131 : " Dixo: ' Yo só llamado por nombre Alexandre; / Filipo, rey de Greçia, aquél es el mi padre; / Olimpias la reína sepas que es mi madre " et la strophe 195 : " Murió a poca d'hora el su padre honrado; / fue con los otros rëys a Corintio levado; / cuemo él mereçié, assí fue soterrado. / ¡En poder del infant' fincó todo'l regnado! ".53 Voir I. Michael, The Treatment, pp. 32-35. 54 G. Martin, " Berenguela de Castilla (1214-1246) : en el espejo de la historiografía de su época", Historia de las mujeres en España y América latina. I : de la prehistoria a la Edad Media, I. Morant (dir.), Madrid, Cátedra, 2005, p. 569-594. 55 Des lettres d'Alexandre à sa mère, qu'on trouvera aussi dans les textes sapientiels de la deuxième moitié du XIIIe siècle, ont été copiées dans le manuscrit O.56 Voir C. Bremond, Logique du récit, Paris, Seuil, 1973.57 Cf. M. Gosman, La légende d'Alexandre le Grand, p. 71.58 Je pense notamment aux textes juridiques (par exemple, el Fuero Viejo de Castilla). Voir, sur cette question, S. Jean-Marie, L'Histoire par la légende : le cas d'Alphonse VIII de Castille, mémoire de DEA, juin 2002, Université de Toulouse II-Le Mirail.59 Cf. G. Martin, "Alphonse X maudit son fils", Atalaya, 5, 1994, pp. 153-178, p. 172.60 Voir mon " Una historia al margen : Alfonso VIII de Castilla y la Judía de Toledo ", Cahiers d'Études Médiévales Hispaniques, 28, 2005, p. 37-68, ainsi que " De la soberbia del rey : dos formas breves en la construcción historiográfica ", op. cit.61 Pour la question complexe de la datation de cette note marginale, je me permets de renvoyer à " Una historia al margen ".62 En plus des travaux cités en note 62, on verra aussi " La memoria del monarca: Alfonso X, testigo de Pero Marín ", in : De la lettre a l'esprit des textes médiévaux espagnols. Hommage a Michel Garcia, éd. Carlos Heusch, Paris, Éditions Le Manuscrit, à paraître en 2007.63 Dans "Régner sans régner", p. 9.64 Voir Les clercs au palais. 65 F. J. Hernández, " La corte de Fernando III y la casa real de Francia : documentos, crónicas, monumentos ", Fernando III y su tiempo (1201-1252). VIII Congreso de Estudios Medievales, Ávila, Fundación Sánchez Albornoz, 2003, pp. 103-155 ; G. Martin, "Alphonse X maudit son fils " ; A. Rodríguez López, "Sucesión regia y legitimidad política ".66 Sur cette question, M. Moner, " Le paradis perdu du roi Rodrigue ", Mélanges María Soledad Carrasco Urgoiti, II, Zaghouan : FTERSI, 1999, p. 371-383.
|
|||
|
|||
|
|||