Résumé
Gonzalo de Berceo
est le tout premier écrivain castillan qui ait apposé le sceau de
son nom à la matière de ses œuvres. Cette signature du producteur du
texte est sans doute l’indice le plus manifeste d’une construction
de l’auteur et d’une revendication d’autorité. Mais il ne s’agit que
d’un indice, qui ne confère pas d’emblée à Berceo le titre d’auteur.
Le poète du Libro de Alexandre, quelques années auparavant, n’a
éprouvé nul besoin de révéler son identité pour asseoir une autorité
qu’il place pourtant au centre de son élaboration littéraire.
Inversement, il est fréquent que la mention d’un nom dans un texte
médiéval renvoie à son copiste, non au responsable de sa composition.
Ainsi, encore faut il savoir à quel titre le texte exhibe le nom de
Gonzalo de Berceo.
En d’autres termes, je
m’intéresserai ici à la notion d’auteur comme statut, à la source
sinon d’une légalité, du moins d’une légitimité de l’écriture. On a
le plus souvent tenté de saisir l’émergence d’un nouvel auteur à la
fin du Moyen Âge en la replaçant dans une histoire de l’individu et
du sujet, en associant la conscience de l’autorité propre à la
subjectivité littéraire. Sans nier l’apport de cette démarche, je me
propose d’adopter un point de vue différent qui est d’envisager la
notion d’auteur dans l’économie de la validité des discours, c’est à
dire dans le rapport rhétorique qu’elle entretient avec la croyance
et la certitude. En ce sens, l’auteur sera considéré avant tout
comme une instance rhétorique produite par le texte, mais qui lui
confère en retour les fondements de sa légitimité à dire. Il me
semble que le cas de Berceo se prête particulièrement bien à cette
approche, dans la mesure où ses écrits, essentiellement religieux,
posent d’emblée le rapport de l’écriture à la croyance, à la foi et
à la certitude.
Texte
intégral disponible au format PDF
Le témoin
impossible : Gonzalo de Berceo et la construction de
l'auteur Biaggini, Olivier (2002) In Actes La Question
de l'auteur. XXXe Congrès de la Société des Hispanistes
Français, pages 131-146, Brest : Université de Bretagne
Occidentale.
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